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Et voici la fin de ctte lamentable histoire...
L¹île d¹Elbe, en revanche, constitue un véritable enchantement : chaque
petit port garde l¹empreinte du passé, tout en étant très animé. Marciana
Marina, Porto Ferraio, Porto Azzuro autant de petits joyaux posé sur l¹écrin
bleu de la mer (voilà que je deviens poète, maintenant !). C¹est bien
simple, je me demande ce qui à pris à Napoléon de quitter ce petit paradis
(faut dire, d¹une part qu¹il était logé assez chichement et que, d¹autre
part, à ce moment de sa calamiteuse carrière, il n¹était plus à une c...
près). Et pourtant, le temps, là encore ne fut pas de la partie ! Orages (ô
désespoir...) incessants, pluies diluviennes. Après avoir passé une partie
de la nuit à surveiller mon mouillage qui risquait de déraper sous des
bourrasque insensées et avoir été bombardé de grêlons gros comme des oeufs
de pigeons, tandis que l¹équipage ronflait, bien au chaud, sous sa couette,
j¹ai attrapé une crève dont tous les sirops toscans n¹ont pu venir à bout et
que je traîne encore aujourd¹hui.
Autre belle averse : l¹arrivée sur Porto Ferraio. Un tel rideau d¹eau (ris
dodo !) obstruait le paysage, que tout occupé que j¹étais à guetter les Moby
Dick et autres Tyreneans Ferries qui grouillent dans le coin, je suis passé
à même pas vingt mètres de l¹entrée du port, pourtant aisément identifiable.
J¹étais prêt à mouiller ( de toute façons, moi, je l¹étais déjà) lorsque
devant moi, j¹ai aperçu un riquiqui feu rouge, flanqué à sa droite d¹un
lumignon vert. Réflexe pavlovien ? Sans doute, toujours est-il que
m¹engageant dans cet improbable chenal j¹ai entr¹aperçu un catway vide qui
me tendait les bras (l¹image est hardie, mais je ne suis pas à ça près...).
Le temps d¹y tourner deux solides amarres flanquées de deux gardes, de
prendre une douche chaude, et de me glisser sous la couette, Morphée m¹avait
pris dans ses bras. Emergeant, vers les dix-huit heures de la sieste
réparatrice et la pluie ayant enfin cessé, je découvris, en passant
précautionneusement la tête dehors, que je me trouvais dans un chantier
naval, quasiment désert, juste derrière le port. Eh bien, croyez-le ou non,
sur le coup de 19 heures il s¹est trouvé un gazier pour venir me réclamer
50 euros pour la nuit !
Le reste de cette épopée ne mérite guère que l¹on s¹y attarde, sauf à
évoquer la traversée de retour, Macinaggione-Fréjus, somptueuse avec bonne
brise de travers et des pointes à 7 noeuds 40, nuit étoilée, une assez forte
houle et l¹équipage, de plus en plus défait, d¹une jolie couleur vert
bronze, balançant, avec d¹horribles hoquets, fusées sur fusées.
Dernière misère : un créneau météo un peu trop étroit et nous revoilà
québlo, comme on dit maintenant, à Port Camargue. Un jour, deux, jours,
trois jours... Port Camargue fin septembre, je vous recommande! L¹équipage
mal remis de sa calamiteuse traversée continuait à hoqueter, déprimait,
errait dans les avenues venteuses et désertes du « plus grand port d¹Europe
» en répétant, tel un Du Bellay des temps modernes
« Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village,
Fumer la cheminée et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison ».
Emu par tant de détresse (sous le rude écorce du marin, bat, malgré tout un
coeur tendre) j¹ai décidé de profiter d¹une accalmie tout relative et toute
précaire pour jouer les « Passagers du Vent » et rejoindre Gruissan où,
sagement rangée dans son garage, nous attendait notre automaboule qui devait
ramener l¹équipage à la vie parisienne, aux mondanités, aux papotages avec
les copines, au bridge; enfin la Vraie Vie, quoi...
Harnachés comme des terre-neuvas, le tourmentin exhumé du sac dans lequel il
coulait une paisible retraite et endraillé sur l¹étai volant, la GV au bas
ris, nous nous sommes lancés dans la remontée sauvage et, après avoir failli
faire demi-tour pour garer nos os (trempés) au Cap d¹Agde, nous avons
finalement embouqué la passe de Gruissan, toujours praticable par Tramontane
et retrouvé notre poste, nos potes. Quatre jours pour désaler, ranger,
désarmer, bichonner, protéger, « La Belle » et nous revoici à Paris.
On peut penser que j¹ai fait preuve d¹une certaine légèreté en partant au
beau milieu de ce que l¹on pourrait appeler sobrement un « joli coup de vent
» mais je ne le pense pas. Le Moody est un fort canot¹, à l¹accastillage
largement dimensionné, Port Camargue est suffisamment vaste pour envoyer la
toile à l¹intérieur du port, Gruissan permet lui aussi d¹affaler dans le
chenal et il en allait de même de tous les abris possibles qui jalonnaient
ma route : Sète (à condition, d¹emprunter la passe de l¹est, réservé aux
cargos, en demandant l¹autorisation par VHF) et le cap d¹Agde. D¹autre part,
connaissant bien le coin, je savais que cela ne deviendrait vraiment méchant
qu¹après le cap d¹Agde et surtout après le cap Leaucate et plus loin, dans
les parages de Bear, or Gruissan est situé juste avant le cap Leucate. De
plus en adoptant la tactique locale qui consiste, en cas de Tram¹ à serrer
la côte au maximum, on est à peu près certain de passer.
Voilà quelques impressions de ce périple humide, où les bons moments furent
cependant nombreux, les instants de grâce fugitifs mais intenses et le
plaisir de naviguer et de mener proprement son bateau, toujours présent.
(A suivre : les pannes, le matériel, la météo...)
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