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Bonjour,
En mai 1976, Tim Severin et 4 autres marins quittent la côte ouest de
l'Irlande à bord d'un bateau ouvert en bois recouvert de cuir, propulsé
à la rame et à la voile, tels qu'ils sont construits dans ce coin de
l'Irlande depuis plus de 1500 ans. Destination : l'Amérique ! Mais
quelle idée ??
Il faut remonter loin, très loin, jusqu'à Saint Brendan, né vers 489 à
coté de Tralee en Irlande, et qui aurait, à bord d'un de ces fameux
curragh, et avec 17 autres moines, fait un merveilleux et périlleux
voyage à la recherche de la terre promise. La légende de Saint Brendan a
été écrite, 2 ou 3 siècles plus tard, dans le récit "De Navigatio Sancti
Brendani Abbatis", et raconte ce voyage de 7 ans, dans ce fragile
vaisseau de cuir, qui les a amené d'îles fantastiques (l'île des
moutons, l'îles des oiseaux, l'îles des forgerons) en rencontres
fabuleuses (des monstres marins, des colonnes de cristal...) jusqu'à la
terre promise cachée derrière un rideau de brouillard et accessibles
seulement aux plus méritants. Une belle légende, donc, mais certains
pensent que derrière la légende il y a une histoire vraie, et que
Brendan et ses moines, sur leur bateau "primitif", auraient pu traverser
l'Atlantique et découvrir, en guise de terre promise, le Nouveau Monde,
1000 ans avant Christophe Colomb, quelques siècles même avant les
vikings !
Tim Severin, marin irlandais, passionné d'histoire, est persuadé que
cette légende est vraie, et pour le prouver, il décide de montrer qu'il
est, au moins, possible de rejoindre l'Amérique en partant de l'Irlande
sur un de ces vaisseaux. A la suite d'une longue et patiente recherche,
il reconstruit un curragh, aussi semblable que possible à ceux qui
naviguaient il y a 1500 ans, et le baptise "Brendan". Choix du bois pour
l'armature, du cuir pour le recouvrir, du traitement à y apporter, des
formes, des techniques pour faire tenir tout ça ensemble, rencontre des
hommes qui ont encore le savoir-faire... Et, avec quelques marins
chevronnés (et un peu fous, quand même), il entreprend le voyage. Pas
question de faire route à l'Ouest direct : Le récit de Brendan semble
correspondre à une route en pointillé, en saut de puce d'île en île,
passant par le Nord : Irlande, Féroés, Islande, Groenland,
Terre-Neuve... Voilà la route possible, et cohérente avec le trajet des
vents dominants.
Vous imaginez, un petit vaisseau de cuir, ouvert, fragile, propulsé par
deux voiles qui lui permettent simplement d'aller où le vent le pousse,
dans la mer et le climat du Grand Nord, pendant 3 mois en 1976 puis 2
mois en 1977... Comment apprivoiser le vent, comment lutter contre les
vagues qui remplissent la coque plus vite qu'on ne peut la vider,
comment se reposer sur un bateau où on a à peine la place de s'étendre,
comment conserver les rations de nourriture et comment apprendre à "
pêcher " des oiseaux de mer, comment réagir face aux baleines, comment
naviguer au milieu des glaces, comment barrer quand le vent froid
souffle et vous frigorifie en moins d'un quart d'heure... C'est tout
cela, la passionnante aventure de la reconstruction du bateau, puis de
la périlleuse traversée sur les traces d'une légende, que raconte "Le
voyage du Brendan". Prenant, très prenant.
Et la route de "Brendan" éclaire chaque jour davantage tous les épisodes
de la légende. L'île des brebis, l'île des oiseaux ? Les Féroés,
surement. L'île des forgerons, qui ont jeté des pierres fumantes sur les
moines ? Une île volcanique en formation autour de l'Islande, peut-être.
Les monstres marins ? Des baleines ou des orques, sans doute. La colonne
de cristal ? Un iceberg, bien sûr. Iceberg que "Brendan" verra de près,
très près, trop près même puisque le cuir de la coque sera percé par les
glaces. Mais qu'à cela ne tiennent : deux hommes, accrochés au bateau, à
moitié immergés dans l'eau glacée, répareront le trou en recousant une
pièce de cuir...
Et "Brendan" traversera l'Atlantique, jusqu'à Terre-Neuve. Ca ne prouve
pas, bien sûr, que son ancêtre en a vraiment fait autant. Mais ça
prouve, au moins, que c'est possible... Et en refermant le livre, on ne
sait pas qui il faut admirer le plus : ceux qui, il y a 1500 ans, ont eu
suffisamment la foi pour confier leur vie à leur dieu en embarquant sur
ces fragiles embarcations, sans savoir ce qui les attendaient, ou ceux
qui, aujourd'hui, recommencent le même voyage, en le sachant ?
Voilà, je vous conseille donc : "le voyage du Brendan", par Tim Severin,
chez Albin Michel (apparement, on le trouve sur Amazon, ou à la
Librairie Maritime Outremer pour les parisiens, ou en commande chez
votre libraire préféré).
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Sophie, (loin) de Granville http://www.terremer.net
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