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21 juin 1975
Je viens de passer entre Al Q'inur et la côte et ... rien, je suis
toujours "ici". Je suis complètement découragé, je croyais vraiment avoir
compris le mystère, l'île inversée, les noms lus à l'envers etc...
Justement imbécile, tu t'es trompé me dis-je, tu viens de passer entre Al
Q'inur et la terre mais à l'aller, c'est en passant la Celtique que le drame
a eu lieu. Bon la Celtique ou plutôt Al Kitlec n'est pas loin, une heure
plus tard j'y suis, je passe le goulet... rien. La solution n'est pas là.
Ce soir je suis rentré chez moi, je n'y crois plus, comment revenir dans
mon vrai chez moi. Et puis d'ailleurs chez moi c'est où et c'est quand, ici
nous sommes en 1359!
Voilà quatre jours que je ne suis pas sorti, je rumine, me lamente tout
seul et retourne cette date dans ma tête 1359. Mais oui ça y est "ici" est
en terre musulmane à l'évidence. Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Nos
deux calendriers diffèrent de plus ou moins 600 ans si ma mémoire est bonne.
Le calendrier musulman ou hégire démarre à la mort du prophète. Donc une
chose est certaine je n'ai pas voyagé dans le temps. Quel bonheur je me sens
du coup déjà beaucoup moins loin. Il ne me reste qu'à trouver le chemin du
retour, facile à dire...
30 juin 1975
J'ai décidé de reprendre l'exploration de l'endroit. Après tout puisque
je n'ai été transporté que dans l'espace et pas dans le temps il doit bien
exister un chemin entre "ici" et mon île.
J'entreprends de faire route vers le nord et l'ouest et au bout d'une
journée j'aperçois cette barre qui m'a toujours dissuadé de poursuivre, mais
cette fois-ci je continue, je veux voir ça de plus près. Encore une journée
entière de navigation et cette foutue barre n'est plus qu'à une dizaine de
milles. Je suis assez avancé pour voir ce qui me parait incroyable mais que
je dois admettre, je suis devant un gigantesque déversoir dont j'évalue la
hauteur à une quinzaine de mètres et qui s'étend à perte de vue d'un côté
comme de l'autre...
Je crois devenir fou, "ici" est donc une île au milieu d'une mer plus
basse que le reste de l'océan.
6 juillet 1975
Après une journée de repos je reprends mon exploration méthodique, vers
le sud ouest et le sud d'abord puis le sud et enfin l'est. Je dois me rendre
à l'évidence, partout cet énorme déversoir, pas l'ombre d'une issue.
Pourtant comme je n'ai jamais observé de marée et encore moins que le niveau
général de l'eau montait... "ici" serait une île flottante. Décidément les
mystères ne manquent pas!
décembre 1975
Je m'étais jusqu'à présent assez peu lié avec les gens d'ici,
principalement à cause de l'obstacle de la langue ou plutôt des langues, car
ce que j'avais longtemps estimé être un pays arabisant à cause de la date,
des noms donnés aux lieux etc... se révélait finalement un incroyable
mélange de gens et de langage. C'est ainsi que je finis par apprendre que le
dieu respecté ici n'était pas Allah comme je l'aurais pensé mais Uokna.
Aussitôt que ce nom me fut enseigné, je me sentis couvert de sueur, habitué
maintenant à retourner les noms je voyais que Uokna signifiait Ankou, la
mort.
Ce serait donc ça mourir... vivre ailleurs...
François
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