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Bonjour,
- un texte comme on les aime: brut de fonderie d'arsenal, quoique le bois
n'ait pas disparu des esprits, et qui me rappelle le délicieux petit ouvrage
de Pierre Sizaire paru aux Editions Maritimes et d'Outre Mer, rue Jacob à
Paris: " LE PARLER MATELOT", dont j'extrais ces lignes avant d'aller bosser
(tiens ! Rapport avec une "bosse" ?):
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L'INSTRUCTION VA DE L'AVANT suite.
Trois: sait godiller.
"Allons : Les quatre premiers à embarquer dans le youyou. Assis aux bancs
face à l'arrière, comme dans le canott', mais ici, y'a plus qu'un aviron de
queue et c'est une goudille qu'on l'appelle. Je vas vous montrer à
goudiller.
"Lestrope (c'est l'instructeur, héros du livre...), tournant le dos à ses
élèves, se campa à l'arrière de la petite embarcation, les jambes légèrement
écartées et, animant son buste d'un mouvement cadencé, commença à faire
décrire à la poignée de son aviron une série de 8 couchés qui rappelaient le
signe symbolique représentant l'infini dans les classes de mathématiques de
la classe de la Flotte.
"Vous voyez comme je fais, leur dit-il. Eh bien ! faites même chose pareil
que moi."
C'était facile à dire, beaucoup plus difficile à réaliser.
Le début des élèves à la godille ne furent pas très brillants. Tantôt le
corps n'était pas en synchronisme avec les mains. Tantôt le godilleur
trébuchait. Ou encore, au moment où il entamait un 8 savant, son aviron
s'échappait de l'encoche pratiquée pour lui sur le tableau arrière. Ce qui
donnait à Lestrope l'occasion de lancer au malhabile un certain nombre
d'épithètes aussi imprévues que vexatoires: "marin territorial",
"fantassin", "matelot de pigoulière"...
La situation se compliqua lorsque l'officier de manoeuvre enjoignit aux
instructeurs de noter chaque jour sur un carnet la valeur des élèves en
godille, afin de pouvoir suivre, à distance, leurs progrès.
Or, les poches du veston de Lestrope, faites pour recevoir un sifflet, un
vieux toron, du tabac à chiquer, s'étaient toujours refusées à receler
carnets et crayons, objets que notre héros considérait comme des accessoires
réservés aux matelots aux écritures, ou encore aux fusiliers pour accomplir
leur besogne de policiers et apostiller les délinquants.
Voyant son embarras, ses élèves prirent le parti de lui offrir le matériel
nécessaire: Lestrope reçut un superbe carnet recouvert d'une forte toile
marron qui rappelait vaguement, à la couleur près, la toile à voile, fermé
par un élastique et agrémenté d'un petit crayon coiffé d'un chapeau
d'ivoire.
"Hou ! fit Lestrope en voyant ce présent, c'et pour moi, ça ? Mais c'est
retaillé qu'il est, ce ca-ârnet."
L'ouvrant à la première page, il écrivit, d'un crayon appliqué: "godille -
appréciations du s/maître."
Chaque fois qu'une relève se faisait, Lestrope disait: "Minute, tiens bon",
essuyait ses mains sur son pantalon, sortait avec précaution le beau carnet,
mouillait la mine du crayon du bout de la langue et dessinait un chiffre en
face du nom de l'élève qui venait de faire montre de son talent dans l'art
de godiller.
Les témoins de cette opération s'en montraient très intrigués:
"Maître Lestrope dites-nous comment vous notez.
- de zéro à quatre, bien sûr, comme le cap'taine il a dit.
- Oui, mais quel est votre barème ?
- Baremm', connaît pas ça, moi, baremm'.
- Enfin, qu'est-ce que ça signifie: 0, 1, 2, 3, 4 ?
- Dame, c'et bien simple:
zéro: ne sait pas goudiller,
1: sait goudiller,
2: sait goudiller,
3: sait goudiller.
- et quatre maître Lestrope, qu'est-ce que cela veut dire ?
- Quat', quat'...quat'...Jamais que je vous mettrai, vu que quat' c'est
"goudille comme moi".
A lire absolument. En plus; il y a des dessins aussi typiques que ce
texte...
:-
Eric.
Francoise.Cherbourg <francoise.cherbourg@caramail.com> a écrit dans le
message : 9u8oah$a4g$1@wanadoo.fr...
> Après avoir lu vos participations concernant la godille, je me suis
souvenu
> de ce texte issu de Cols Bleus, peut-être un peu long pour frb, mais je ne
>
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