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Bonjour tout le monde,
Bon anniversaire La Pauline! Non, La Pauline ça n'est pas ma grand-mère,
c'est une jolie petite chaloupe de Dahouët. L'originale a été construite
en 1901, pour aller chaluter dans la Baie de Saint Brieuc, puis a
ensuite été regréée pour la campagne goémonière, entre les deux guerres.
Elle a été reconstruite, en 1991, avec un gréement proche de son
gréement d'origine, de type lougre: deux voiles au tiers (misaine à
bordure libre et grand-voile sur bome - ou gui), un grand hunier, un
foc. Elle fêtait le week-end dernier à la fois ses 10 ans et ses 100
ans, avec une manifestation intitulée "Eole en fête", à Dahouët donc.
De nombreux beaux voiliers étaient venus saluer La Pauline: La
Recouvrance, goélette de Brest, les deux bisquines Cancalaise et
Granvillaise, le Grand Léjon, lougre de Saint-Brieuc, Sant C'hireg,
réplique d'un cotre langoustier de Camaret, Vieux Copain, dundee thonier
des Sables d'Olonne maintenant basé à Paimpol, Solweig, cotre pilote aux
formes fines, Alna'ir, ketch aurique...Bref, de biens belles coques, de
biens belles voiles, des voiliers d'origine et d'histoire très diverses
qui vont se tenir compagnie pendant ces trois jours...
La Granvillaise a quitté Granville vendredi matin à 6 heures (ouch).
Vent debout et mer bien formée au départ, les pires conditions pour le
bateau, le gréement et les passagers, surtout qu'il faut passer le Cap
Fréhel avant la renverse et qu'il faut s'appuyer au moteur. Ca
secoue...Une fois passé Fréhel, ça s'arrange. Le vent tombe et la mer se
calme, et comme il faut attendre que la marée monte pour entrer à
Dahouet, on peut envoyer plus de toile et tirer quelques bords en
compagnie de quelques arrivants: La Recouvrance, la Cancalaise et le
Renard, tout en se livrant à de forts pédagogiques calculs de marées et
exercices de navigation pour éviter les cailloux. Toutes les voiles sont
de sorties, on en prend plein les yeux!
Le charmant port de Dahouët est bien niché au fond d'un petit estuaire,
avec une entrée bien cachée et qui doit être sportive par gros temps. On
rentre directement entre les maisons pour aller s'amarrer le long du
quai des Terres-Neuvas. Que d'histoires ces pierres auraient à
raconter... Le chenal d'entrée n'est pas large, et y voir entrer La
Recouvrance est assez incroyable.
La marée redescend avec la nuit, et le port se vide entièrement, les
bateaux se poseront donc un par un, délicatement, sur leur quille en
s'appuyant doucement le long du quai, révelant leurs dessous. L'occasion
est assez unique pour découvrir les carènes impressionnantes et les
belles formes de ces magnifiques voiliers.
Le lendemain, le vent s'est levé, 25 bons noeuds en rafale, mais de
sud-ouest, donc pas de mer. Tous les bateaux sortent malgré la brume et
le petit crachin, et s'en donnent à coeur-joie. Ca manoeuvre, ça vire et
ça empanne, les uns devant les autres, le long de la plage, on passe à
l'intérieur du Verdelet (petit ilot relié à la terre à marée basse), les
deux bisquines se refont une amicale régate pour la revanche du mois de
mai, avec quelques bords vent de travers. La Granvillaise est plus à
l'aise avec ce vent, et voyant qu'on les rattrape, les Cancalais font
mine de mettre des seaux à la traine pour se ralentir...Long bord vers
le large en flotille, on avance vite, ça gite, et l'étrave fume... Le
crachin se calme et un brin de ciel bleu se fait voir. Que c'est beau
toutes ces voiles bien gonflées...Un échange radio résume le sentiment
général: "La Pauline à tous les bateaux: elle est pas belle la vie?".
Vers 15 heures tout le monde vient se mettre au mouillage devant le
port, dont l'entrée est totalement asséchée, pour assister à un
spectacle assez incroyable: à Dahouët, tout petit port des Côtes
d'Armor, ce week-end, il y avait la Patrouille de France. Les huits
avions, impressionnants de maitrise et de coordination, vont nous offrir
40 minutes de spectacle à couper le souffle, juste au dessus des bateaux
au mouillage, enchainant figure sur figure, sans un instant de répit. Il
y a du monde sur la plage, sur les falaises, à admirer.
On rejoint le quai après quelques derniers bords pour profiter du soleil
qui a fait son apparition. Les manoeuvres dans le port de tous ces gros
voiliers sont un peu délicates mais chacun rejoint sa place et se
prépare, à nouveau, à se poser pour la nuit. Je passe sur les libations
et réjouissances d'usage, chants et danses, mais la nuit fut courte...Et
quand on va se coucher enfin, sur une bisquine qui gite un peu vers le
quai et surtout pique du nez, posée sur sa quille, on ne sait plus bien
où on est...
Le lendemain, le soleil brille et le vent est bien retombé. Pour la
peine, on hisse toutes les voiles (basses voiles et huniers, foc,
tapecul) à quai, devant une petite foule qui s'étonne: mais vous n'avez
pas de winchs? Ben non. Mais avec un bel effort collectif, quand
l'équipage s'entend bien et que chacun prend ça place, ça monte vite. Et
quand on est bien coordonné, on peut, aussi, quitter le quai et sortir
du port de Dahouët à la voile (bon, bien sur, moteur allumé, débrayé, il
faut quand même être raisonnable). C'est ça aussi le plaisir de ces
bateaux: impossible de les manoeuvrer seul. Il faut une équipe bien
soudée, cohérente et organisée, et quand ça tourne bien, on se regarde
sans rien se dire, juste la petite étincelle dans les yeux et les
sourires, on sait qu'on partage les mêmes émotions.
Retour tranquille sous le soleil, un peu de moteur au départ, puis un
peu de voile quand le vent se lève, on longe toute la côte, on passe au
ras de Fréhel, pas trop loin de Saint-Malo, puis voilà déjà Granville,
et on se quitte un peu bizarre, avec toujours dans les yeux des images
de loopings tricolores au-dessus des dizaines de mâts...
Bon anniversaire, La Pauline, et merci Dahouët!
A bientot
Sophie
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